dimanche 15 novembre 2015

Vendredi 13

@Jean Jullien

( c'est avec les yeux gonflés et l'esprit confus que je pose ces mots là. )

La capitale d'un pays, une date chargée en superstition, un évènement sportif apprécié des familles, une rue fréquentée en ce début de week-end par des personnes souhaitant souffler de leur semaine de travail, une salle de spectacle synonyme de plaisir, divertissement et détente. 

Voilà, le tableau est dressé, organisé, planifié. Il ne reste plus qu'à y semer la terreur.

22h30, j'étais en train de commencer un nouveau bouquin, un thriller dans le genre "psychopathe sanguinaire ", quand alors on zappe sur les chaines infos. Il ne m'a fallu que quelques secondes pour refermer ce livre, abasourdie, sans marquer la page à laquelle je m'étais arrêté. Sur l'écran plat c'est le fouillis, des images floues et mal cadrées qui ne cessent de remuer, une phrase de présentatrice prise en cours de route. La seule chose claire c'est cette bannière blanche sur fond rouge annonçant une nouvelle catastrophe: attentats à Paris
Les images et les informations s'enchainent à une vitesse folle. Et le nombre de victimes galope à la même cadence. On établit alors ce triste constat: une nouvelle fois, le sang d'innocents est venu éclabousser les pavés parisiens. Encore une fois à cause de tueurs aux revendications et aux pratiques moyenâgeuses

Scène nocturne, policiers armés jusqu'aux dents, intervention présidentielle, on se serait cru dans un de ces films américains apocalyptiques, sauf que là, l'émotion de notre président n'était pas un jeu d'acteur visant un oscar ou autres récompenses dorées. Et que l'hémoglobine qui s'écoulait sur les trottoirs n'était pas un mélange artisanal lavable en machine. Tout est bien réel
Jusqu'au dénouement de cette histoire macabre, qui prend scène dans une salle de spectacle, close et sombre, qui au son des Kalachnikov et dans un mouvement de foule, se transforme en champs de bataille où les odeurs acres de fer et de poudre se mélangent, où le sang tapisse le sol, où les corps perdent de leur vitalité. 

Le plus dur est de se dire que cette fois-ci, ce ne sont pas des dessinateurs engagés, ni une communauté religieuse en particulier qui ont été visé mais des citoyens français comme vous et moi, des personnes qui avaient simplement décider de profiter de la vie en buvant, mangeant, dansant, et qui étaient à deux milles lieux d'imaginer à quoi aller ressembler leur dessert lorsqu'ils ont pris la décision d'aller diner par cette soirée plutôt douce pour un mois de Novembre. 

Ce genre de drames qui se produisent très (trop) fréquemment sur une autre partie de la planète ont généralement moins d'impact sur notre conscience collective. Mais ce n'est pas la même mayonnaise quand cela se passe sous notre drapeau, dans nos rue, sous notre balcon. Et même si je me trouve à 933,5 km de la scène de crime, je subis ce stress lié à toute cette atrocité, avec la phobie du terrorisme, cette maladie tellement 2015, qui grandit en moi de jour en jour. Et je vis cette journée, qui apparaitra noir sur blanc dans les livres scolaires de nos enfants, comme un deuil, avec cette même fatigue mentale que l'on ressent après des heures de tristesse et de larmes.

Alors, est-ce dû au manque de quelques heures de sommeil volées par les chaines infos, qui ont eu sur moi l'effet d'un cauchemar éveillé, tant par l'horreur des images diffusées que par le lourd bilan du nombre de victimes aux allures de catastrophe aérienne ? En tout cas, poster une photo de chat sur Instagram, se faire un bon gueuleton, regarder si ses numéros ont été tiré au dernier tirage du loto, aller se muscler le fessier dans une salle de sport, toutes ces choses tellement banales du quotidien ont un drôle de gout et plus beaucoup de sens quand son pays a subi de telles agressions.

Et même si l'on a envie de rester blotti sous la couette, en pyjama, à câliner son poilu ( je vous laisse le choix dans la sélection du poilu en question ) à se réconforter au doux rythme de son ronron, essayons d'utiliser cette tristesse comme un carburant pour nous faire avancer face à cette merde poisseuse. Ne soyons pas aussi archaïque et sauvage que cette bande de tarés ceinturés d'explosifs et débordant de toujours plus d'imagination pour nous détruire.

Je pense aux victimes, je pense aux blessés qui se retrouvent dans des hôpitaux blindés, je pense aux familles, je pense à tous ces avis de recherche qui se sont transformés en avis de décès, je pense à ces personnes qui vont vivre avec des images atroces impossible à effacer de leur mémoire, je pense aussi à nos français musulmans qui vont vivre des moments compliqués ces prochaines semaines, je pense à ces fachos à la perruque blonde qui vont surfer sur cette vague de terreur et faire gonfler le chiffre de leurs partisans. Je pense à ce temps qui vient de prendre une tournure qu'on a du mal à anticiper.

Petit bémol concernant le slogan choisi pour illustrer cette horreur: #PrayForParis. Je pense qu'il est inutile de rajouter de la religion là-dedans, mais bon, c'est mon aversion pour toute ces croyances et mon athéisme profond qui parle là. 
Alors priez tant que vous voulez les gras, mais je doute qu'il y ai quelqu'un là haut pour vous écouter. 


@Jean Antoine Hierro



8 commentaires:

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    1. Merci <3
      J'ai lu le tien et c'est réconfortant de voir que l'on partage les mêmes sentiments.
      Je sais pas toi, mais moi ça m'a fait un bien fou d'écrire ce texte, ça m'a vraiment permis de prendre du recul sur tout ça !

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  2. C'est exactement ça, horriblement ça....

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  3. J'ai lu le tien, et on est du même avis. Javoue que PrayforParis me dérange un peu. J'aurais préféré #weareparis je crois, mais enfin bon. Heureusement maintenant c'est a la vie de reprendre son cours.

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    1. Tu as raison, à nous d'apporter quelques petites touches de bonne humeur histoire de se changer les idées :)

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